La réception du Royaume

RoyaumeLes dernières lignes du livre d’Emmanuel Carrère explicitent sa démarche : il se demande s’il est digne d’entrer dans ce Royaume du Christ dont il vient de raconter l’histoire sur 500 pages. Dans les 150 premières pages il avait expliqué qu’il y a longtemps, il avait eu la foi mais qu’il l’avait perdue.

Se demander si l’on est digne d’entrer dans le Royaume, c’est faire référence aux paroles du centurion de Luc 7, 1-10. Carrère dit qu’il n’en est pas digne car il est en contradiction avec les Béatitudes du chapitre précédent de Luc. Il est « un intelligent, un riche, un homme d’en haut : autant de handicaps pour entrer dans le Royaume ». Les derniers mots du livre sont « je ne sais pas » : ils font référence à la question de savoir s’il est resté, à sa façon, fidèle au « Seigneur auquel il a cru ».

Quand on se met dans les pas du Centurion, il est bien difficile de dire si l’on est fidèle à la foi de sa jeunesse, mais il encore plus difficile de prétendre que l’interprétation nouvelle donnée du Royaume en est bien plus respectueuse. On ne peut répondre à la question que par un « je ne sais pas » mais ce qu’il ne peut pas dire, d’autre que lui peuvent en juger et c’est ce qui s’est passé en aout dernier lors de la sortie du livre.

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Le Journal du Dimanche

Bernard Pivot, dans le Journal du Dimanche du 31 aout (sic) expose la démarche de Carrère et dit avoir beaucoup appris de ce « western évangélique », comme il le qualifie. Mais finalement il n’adhère pas à la démarche de l’auteur parce que « autant de moi moi moi, autant de satisfaction d’être ce qu’il est et d’écrire ce qu’il écrit est navrant. L’humilité chrétienne et la modestie laïque ne sont pas son fort. « Celui qui s’élève sera abaissé, celui qui s’abaisse sera élevé », a dit Jésus, cité par Emmanuel Carrère. »

Pivot n’a pas voulu comprendre le propos pourtant très explicite de Carrère qui expose ses handicaps pour entrer dans le Royaume, et le fait d’être très attaché à soi en est un, avoué, revendiqué. Mais c’est là le paradoxe du Royaume qu’il est prêché en priorité aux escrocs comme le publicain et non aux gens de bien comme le pharisien, comme le dit Luc (18,9-14) où se trouve précisément la  citation faite par Pivot : « Celui qui s’élève sera abaissé, celui qui s’abaisse sera élevé ». « Malheur à moi » dit Carrère (p.430) « car je suis riche, doué, etc. » : il est bien conscient qu’il se met hors du Royaume, mais que le Royaume, c’est bien ce qu’il décrit.

Pivot endosse encore le manteau du pharisien pour fustiger un passage hard dont la signification lui parait nulle alors que l’explication qu’en donne Carrère est simple : tout d’abord, il a en haute estime l’opinion des romains pour qui « les plaisirs de la chair ne posaient pas d’autres problèmes que ceux de la table : il fallait les gérer, n’être pas plus esclave de son désir que de son appétit, c’est tout » : donc, de même qu’on parle volontiers de son plat favori, Carrère explique ses gouts en la matière. Par ailleurs, il précise que parler de soi lui parait poser plus de problèmes que de parler de ses préférences culinaires, ce qui ne l’empêche pas de parler de lui.

Une faute (le passage hard) et un péché (l’enflure du moi) : le jugement de Pivot entraine une condamnation qui viendra peu après car Le Royaume ne figure pas dans la première sélection du Goncourt.

Le Monde

A défaut du Goncourt, Emmanuel Carrère reçoit le prix littéraire du Monde et une première page tout à fait louangeuse du Monde des Livres du 29 aout. Jean Birnbaum voit bien le projet de l’auteur qui est de « prendre en charge les failles de la condition humaine »  et Carrère peut avoir le sentiment d’avoir été bien compris. Les textes du Nouveau Testament lus par Carrère le sont « pour se comprendre à leur contact » : la littérature provoque en nous des résonnances qui nous modifient et c’est ce qui fait que « l’objet fou de l’espérance humaine ne fait qu’un avec le royaume de la littérature » qui est la phrase par laquelle Birnbaum termine son texte.

Mais Carrère a-t-il été bien compris et son Royaume n’a-t-il qu’une dimension littéraire ? Il met toujours en parallèle le chrétien traditionnel qu’il a été et celui qui aujourd’hui redécouvre le Royaume (des cieux) dont il donne une description et qu’il considère comme la vérité du christianisme. Qu’en disent alors précisément les critiques de journaux plus proches du monde catholique ? Comment apprécient-ils sa démarche ?

La Croix

Dans La Croix du 28 aout, Bruno Bouvet note que, pour une fois, un membre de l’élite intellectuelle ne méprise pas les catholiques. Évidemment, « il ne faut pas y chercher un témoignage de foi et pour cause ».

Du point de vue de l’exactitude historique, un bibliste, Pierre Debergé, est convoqué. Pour ce dernier, il y a quelques incertitudes : Carrère accepte souvent une tradition remise en cause par l’exégèse comme le fait que Luc ait été médecin. Ce qui est beaucoup plus grave à ses yeux de bibliste est qu’il ne prend pas en compte la dimension théologique des textes alors qu’il s’agit du contenu de la foi. Carrère répondrait qu’il n’a pas la foi et qu’il refuse très consciemment la théologie portée par les textes. Par exemple que la généalogie de Jésus chez Luc montre que Jésus est de la lignée de David [1], mais Carrère ne s’y intéresse pas personnellement, comme beaucoup de catholiques d’ailleurs qui n’y apportent aucune attention. Ceci montre bien que même les catholiques actuels trient dans l’élaboration théologique des premières communautés chrétiennes mais ils accusent celui qui ne fait pas le même choix qu’eux de ne plus avoir la foi.

La Vie

La Vie du 21 aout propose un dossier de dix pages : il se compose d’un long entretien, d’une comparaison avec Renan et d’un point de vue officiel, « l’avis de La Vie » signé par la rédactrice en chef Elisabeth Marshall. Dans cet « avis », l’expérience décrite par Carrère est assimilée à un « christianisme à la carte » qui, libre de dogmes « devient diablement séduisant ». Le « diablement » est involontaire mais révélateur d’une inquiétude car « être chrétien par intermittence » est difficile à concevoir pour « l’institution séculaire ».

Régis Burnet, dans son évocation de Renan montre bien la similitude des perspectives : Renan rend compte de l’exégèse du 19e siècle comme Carrère de celle d’aujourd’hui. Tous les deux sont d’excellents narrateurs mais Renan était rationaliste, Carrère simplement « enquêteur », au sens antique du terme. Burnet, bien que professeur de Nouveau Testament à l’université catholique de Louvain, reprend pour terminer le thème de la « fiction littéraire » (mais il n’emploie pas ces mots), qu’évoquait déjà Birnbaum, quand il relève le pari de « se confier tout entier au récit pour laisser son lecteur s’approcher, à travers les évènements racontés, du mystère que nulle langue ne peut dire… ».

L’entretien de six pages qui précède ces deux articles, intitulé « l’Évangile selon Carrère », laisse la parole à l’auteur et les relances de ses interlocutrices (Marie Chaudey et Marie Lucille Kuback), visent à la fois à mieux comprendre sa pensée mais aussi à l’inciter à se positionner face à la foi :

A la question « Êtes-vous chrétien ou non ? », vous passez le livre à répondre avec des « Qui sait ? » et un « Je ne sais pas » final. Alors, l’êtes-vous ou non ?

Carrère répond qu’aujourd’hui, quand comme lui, on ne croit pas à la résurrection du Christ ni à la virginité de Marie, on peut certes s’intéresser à l’aspect culturel du christianisme qui a produit les cathédrales et la musique de Bach et tenir pour fausses les vérités théologiques, dignes seulement de l’étude historique. Mais Carrère ne s’arrête pas à cette attitude :

« Alors que je ne me définirais pas comme un croyant, il y a quelque chose qui me parait résister, quelque chose qui me reste extrêmement précieux et qui n’est pas purement moral et culturel : il y a cette folie de christianisme dont Paul parle très bien, qui va à l’encontre de tout ce que l’on croit savoir du monde, de la manière dont il tourne et fonctionne, et donc de la façon dont nous devons nous y ajuster. Il me parait très difficile de me passer de cette folie-là. Ma position peut se résumer de manière un peu simplette : je ne suis pas croyant – je ne crois à presque aucun des dogmes du christianisme et n’y attache pas grande importance -, mais, en même temps, il y a quelque chose dans le message évangélique qui me parait toujours extrêmement  vivant, et nourrissant, et nécessaire. Voilà. »

Il n’est pas besoin d’avoir fait beaucoup de sociolinguistique pour savoir que quand un interlocuteur utilise de terme « voilà », c’est pour terminer une interaction avec le sentiment d’avoir tout dit. L’entretien cependant ne s’arrête pas là car Carrère est respectueux de ses interlocutrices qui veulent l’entrainer plus loin. Relancé sur la foi, Carrère dit qu’il se méfie des positions de croyances que ce soit d’agnosticisme ou de foi, mais il ajoute ces mots qui ne peuvent que séduire ses interlocutrices croyantes :

« Je me méfie du « croire ». Mais dès que ces mots passent mes lèvres, immédiatement s’élève en moi une voix qui est celle de ma marraine, et qui pourrait être celle de Bernanos, qui me dit : « Mais mon pauvre petit, tu ne sais pas de quoi tu parles ! » Ce sont ces voix que j’essaie de faire entendre. »

On comprend que cette sympathie profonde aie entrainé une mise au point de la rédactrice en chef, plus distanciée.

Télérama

Avec Télérama  du 30 aout, l’analyse du Royaume se fait plus factuelle : elle est titrée : «Entre péplum et exégèse, cette histoire des premiers temps du christianisme ébranle autant qu’elle passionne ». Nathalie Crom s’interroge sur le genre littéraire du livre défini comme « un récit rocambolesque, mêlé d’aveu, d’enquête, de méditation, dans lequel l’auteur s’avère omniprésent, tout ensemble narrateur assumé, protagoniste impliqué, exégète à son tour et à sa façon subjective et roborative », en un mot, mais la comparaison n’est pas faite, un équivalent des Confessions de saint Augustin en tant que genre littéraire.

Les Aveux

Ceci nous ramène au Goncourt dont nous étions parti car il y a deux ans, c’était Le sermon sur la chute de Rome de Jérôme Ferrari qui avait reçu le Goncourt et à travers lui d’une certaine façon saint Augustin car le livre en était imprégné [2]. Les temps ont cependant changé : Augustin s’adresse à chaque instant à Dieu, Carrère à son lecteur qu’il prend en main, le renvoie lire le début de Luc, raconte toutes ses hésitations comme Augustin à Dieu. Augustin n’a pas de passage hard comme Carrère mais il évoque ses amours avec des mots si chargés de réprobation qu’il laissent supposer bien des choses :

Veni Carthaginem, et
J’arrivai à Carthage et

_____circumstrepebat me undique
_____m’entourait à grand cris de toute part
sartago flagitiosorum amorum
la poêle à frire des amours scandaleux

nondum amabam, et amare amabam
Je n’aimais pas encore mais j’aimais aimer [3]

Comme Augustin, la situation de Carrère a évolué par des conversions successives : découverte de la philosophie à travers l’Hortensius, puis le manichéisme pour l’un, découverte du christianisme traditionnel pour l’autre puis appréhension du royaume.

Mais y a-t-il dans Carrère un équivalent du tolle, lege d’Augustin ? On peut en trouver un équivalent dans la lecture du premier des passages en « nous » des Actes (16,10-17) où par le biais de ce pronom, Luc indique son appartenance au groupe lié à Paul. En effet, Carrère trouve là une porte pour entrer dans le Nouveau Testament qui lui plait beaucoup : « pas la grande porte, pas celle qui ouvre sur la nef, face à l’autel, mais une petite porte, latérale, dérobée : exactement ce qu’il me fallait ».

Pour le Bibliste de La Croix, il s’agit d’un procédé rhétorique, ce qu’un autre bibliste, Daniel Marguerat [4] confirme car on ne peut identifier le « je » du prologue de Luc, extérieur à l’histoire et le « nous » en question qui est interne à l’histoire racontée. Cependant Marguerat conclut son paragraphe sur les séquences en « nous » en soulignant que « le narrateur a tenu, à quatre reprises à se placer dans la proximité de son héros Paul ; ce voisinage en dit long sur la tradition théologique dans laquelle il souhaite être reconnu et sur la légitimité qu’il revendique dans la réception de son héritage ».

Ne poussons pas trop loin la comparaison qui risquerait de tourner au pavé de l’ours mais Carrère, comme Augustin, nous invite par ses « aveux » à entrer dans le Royaume.

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Il faut maintenant prendre parti. Pivot n’a pas compris et on n’en dira rien. D’autres ne comprennent pas très bien : Carrère est-il mal assis entre la chaise du croyant et celle de l’agnostique, reviendra-t-il, modifié, à la foi ? Certains l’ont dit et, dans l’entretien à La Vie, il a répondu : « on ne peut pas savoir ce que l’on pensera à l’avenir, ni de quoi on sera fait ». Carrère, « écrivain catholique », cela a dû faire rêver ses interlocutrices, mais ce n’était qu’une position agnostique, comme toujours.

Qui a raison ? Est-ce une « fiction littéraire » authentique qui nous met au cœur de la condition humaine comme le veulent Birnbaum du Monde et Brunet de La Croix ? Je pense que c’est de ce côté qu’il faut creuser, à défaut de trouver. La différence entre les deux interprétations littéraires, c’est que celle de Birnbaum fait référence à toute l’expérience de la littérature : « l’objet fou de l’espérance humaine ne fait qu’un avec le royaume de la littérature », ce qui peut signifier que face à ce qui nous dépasse, face à cet espoir que tout ce qui se passe ne soit pas vain, dépourvu de sens, la littérature universelle nous apporte des expériences fortes qui nous modifient par notre participation. Mais chez Carrère, c’est bien plus que cela, c’est la conscience qu’un texte doit être privilégié et que nous devons l’écouter, nous y conformer, en vivre.

Alors est-ce le bibliste qui a raison quand il dit qu’il faut « se confier tout entier au récit pour laisser son lecteur s’approcher, à travers les évènements racontés, du mystère que nulle langue ne peut dire… ». Là le récit agit par lui-même mais le « mystère que nulle langue ne peut dire » correspond certes à l’attitude de Carrère mais il refuserait certainement ce qui est connoté ici, c’est-à-dire la croyance en un Dieu transcendant.

La position de Carrère me semble intermédiaire entre les deux interprétation, celle purement littéraire et celle trop liée à la croyance traditionnelle en Dieu. Il faut, pour bien la comprendre, être attentif au texte du Nouveau Testament dont il privilégie la lecture : la « Source Q. »

La Source des paroles de Jésus

On ne parle que rarement dans la presse de la manière dont les Évangiles ont été rédigés : les chrétiens instruits connaissent les Évangiles synoptiques mais peu sont au fait de la théorie des deux sources de ces synoptiques. Il y a d’abord l’évangile de Marc qui a beaucoup de passages qui n’appartiennent qu’à lui mais il y aussi une « source », désignée par l’initiale Q du mot allemand de même signification Quelle. On repère cette source par les passages communs spécifiques à Luc et à Matthieu. Maintenant, et grâce à Carrère, on parle même de cette Source Q dans la grande presse (par exemple dans l’article cité de Télérama).

Cette reconstruction exégétique, née au 19e siècle des travaux de Harnack serait la trace d’un document rédigé en grec pour recueillir les paroles de Jésus. Ce qui caractérise ce document est qu’il ne présente pas d’élaboration théologique comme les autres écrits du Nouveau Testament. On n’y trouve pas de récits de la mort et de la Résurrection du Christ mais Jésus et Jean (le Baptiste) y sont mis en parallèle. Frédéric Amsler, dans un ouvrage récent Amsler[5] parle d’une « guilde de missionnaires itinérants » dont la Source serait le vade-mecum.

Ce qui a plu à Carrère dans cette Source (dont on trouvera le texte dans le livre d’Amsler), est qu’on y trouve pas de mention ni d’Église, ni de clergé, ni de cette élaboration théologique qu’on retrouve dans le reste du Nouveau Testament. Les paroles de Jésus sont en rupture avec les codes sociaux de son époque et ils nous invitent à entrer dans un royaume qui est en train de venir. Pour y entrer, il faut ne faut pas tant adhérer à une croyance que faire ce qui y est dit.

Ce qui est dit est utopique : « A qui te frappe à la joue, tends-lui aussi l’autre », « si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense mériterez-vous ? Les collecteurs d’impôts aussi ne font-ils pas la même chose ? ».

Les lois de la vie

Aujourd’hui, ce propos utopique est encore un pari à tenir : dans tout groupe, l’escalade de la violence est destructrice et pour résoudre un conflit, il faut lutter contre la tendance naturelle à répondre coup pour coup. La négociation suppose que l’un des protagonistes accepte d’avoir une attitude conciliante face à l’ennemi. Ce n’est pas de l’ordre de la morale, mais comme dit Carrère, cela exprime « des lois de la vie ». Si vous voulez qu’un groupe fonctionne il ne faut pas relever les agressions mais au contraire faire preuve d’une plus grande bonne volonté. Allons plus loin : pour qu’un groupe fonctionne, un couple par exemple, il faut anticiper les conflits en appliquant la Règle d’or (faire aux autres ce que vous voudriez qu’ils fassent pour vous), qui se trouve aussi dans la Source. Dans un couple, il faut être attentif à ce que l’autre désire, et le faire.

Autre loi de la vie : le destin personnel. Les Béatitudes nous incitent à inverser les valeurs et à mettre en haut ce qui est socialement en bas. Carrère dans l’entretien de La Vie y reconnait une vérité dont il trouve l’expression chez François d’Assise ou Simone Weil. C’est là aussi une loi de la vie : on ne peut pas être socialement gagnant c’est-à-dire riche, admiré, intelligent et en bonne santé tout le temps et toujours. On connait des échecs, des incompréhensions, la vieillesse, la maladie, la mort. Il faudra vivre avec, entrer dans le royaume des petits ou sombrer dans le désespoir. Ces temps difficiles viendront, c’est aussi une des lois de la vie et la perspective du Royaume nous poussera à faire là aussi le pari de la confiance : « même les cheveux de votre tête sont tous comptés ». Il faudra faire le choix de l’humilité : « bienheureux les pauvres », contre le choix du désespoir.

Carrère reconnait son handicap d’être « un intelligent, un riche, un homme d’en haut ». Comme le centurion, il n’est pas encore digne du Royaume : cela viendra peut-être mais cela ne se traduira pas par un retour à la foi traditionnelle faite de certitudes, une foi inacceptable, invalidée au nom du Royaume qui, comme la Source, exige des faits, non des croyances. Certains anticipent et pratiquent les conseils évangéliques avant d’y être poussés par la loi de la vie : leur témoignage est un rappel de la folie du christianisme dont Carrère dit qu’il lui parait  très difficile de se passer. On retrouve dans cette attitude la pure tradition chrétienne qu’on a bien du mal à retrouver dans les institutions chrétiennes actuelles.

Signe des temps : la Procure, évoquée par Carrère dans un passage souvent relevé, vient de déménager (et de réduire) son riche rayon d’exégèse pour donner plus de place aux objets de piété.

 


[1] Carrère reprend cette déclaration d’un archevêque de Paris du 19e siècle, sans le citer, qui répétait que « non seulement Jésus était fils de Dieu, mais encore qu’il était d’une excellente famille du côté de sa mère ».
[2] On notera aussi que la nouvelle traduction de Frédéric Boyer faite en 2009 sous le titre « Les Aveux » est parue chez le même éditeur (POL) que le Royaume de Carrère. Nous sommes bien dans le même monde des traducteurs Bayard de la Bible.
[3] Livre 3, chap. 1
[4] Daniel Marguerat, La première histoire du Christianisme. Les Actes des Apôtres, Paris, Cerf, Genève, Labor et fides, 1999, p.40-41.
[5] Frédéric Amsler, L’Évangile inconnu. La Source des paroles de Jésus, Genève, Labor et Fides, 2006.