Alain Badiou, Saint Paul. La fondation de l’universalisme

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« Il n’y a plus ni Juif ni Grec, ni esclave ni homme libre, ni homme ni femme »

Entendues aujourd’hui, les paroles de l’apôtre Paul aux Galates (Ga 3, 28) semblent si en phase avec les valeurs contemporaines que nombreux sont ceux qui voient dans le christianisme une des origines de la posture contemporaine qui veut l’égalité des droits pour les étrangers, le refus de l’exclusion sociale, la parité entre les sexes. C’était d’ailleurs le reproche que Nietzsche faisait au christianisme d’avoir répandu le plus systématiquement « le poison de la doctrine de l’égalité de droits pour tous » [1]. Cependant, du fait que l’Église catholique a, dans la suite de son histoire, été perçue comme une instance qui a souvent justifié la prépondérance des puissants de ce monde et la domination de la femme, bien peu sont ceux qui osent aujourd’hui mettre en relation directe le texte de Paul avec l’universalisme contemporain. Bien peu, sauf Badiou, cet athée déclaré.

Badiou accorde beaucoup d’importance à Paul, non seulement dans  ce livre [2] mais il en a fait également une pièce de théâtre [3]. Ce qui intéresse Badiou, ce n’est pas le contenu du message de Paul, pure fable à ses yeux ce qui n’est pas trop surprenant venant d’un auteur qui s’annonce dans son prologue « héréditairement irréligieux, voire, par mes quatre grands-parents instituteurs, dressé plutôt dans le désir d’écraser l’infamie cléricale ». Ce qui est l’objet de ce livre, c’est de comprendre comment Paul a fondé l’universalisme, ce que reflète cette phrase célèbre : « Il n’y a plus ni Juif ni Grec, ni esclave ni homme libre, ni homme ni femme ».

Paul fondateur de l’universalisme selon Alain Badiou

Pour comprendre ce livre il faut se confronter certes à Paul mais aussi à Pascal, Hegel, Nietzsche qui sont ici critiqués, et à Lacan qui semble suivi : c’est un exercice où le lecteur non habituel de Badiou doit se cramponner mais où apparait cependant la thèse que l’universalisme est fondé par la proclamation d’une vérité.

La thèse semble bien abstraite. Prenons l’exemple de la conversion au militantisme pour la faire comprendre : l’homme ancien, celui dont la vie n’est marquée par aucune vérité transcendante comme une passion artistique, un désir de lutte contre l’injustice, une passion de la découverte scientifique, le non-militant donc, est une personne marquée par les déterminismes de sa situation sociale, de son métier, de ses relations. Il est conduit par la Loi,  ou par la Sagesse au sens de Paul revu par Badiou et il utilise une philosophie ou une connaissance. C’est l’opposition du Juif (pour la Loi) et du Grec (pour la Sagesse) dont Paul nous dit qu’elle n’est plus rien. Par contre quand l’individu découvre la vérité d’une cause politique, artistique ou scientifique, il devient un homme nouveau, et il se passe alors un phénomène de l’ordre du subjectif mais qui casse, qui abolit les anciennes structures. Découvrir une vérité vous fait devenir autre, non pas seulement du fait de l’illumination qui vous ravit, mais du fait de l’évènement de la découverte. Le converti a introduit une faille dans ses croyances, il regarde les normes de son milieu avec scepticisme car elles sont le résultat d’un particularisme qu’il juge sectaire, elles sont fermées. Maintenant que l’individu a cassé les normes qui le bloquaient, il est réputé accédant à l’universel c’est à dire en position d’ouverture à des nouveautés.

Badiou (très paradoxalement, puisqu’il dit que c’est une fable), met ce qui s’est passé au chemin de Damas, cette rencontre foudroyante avec le Ressuscité, au cœur de la destinée de Paul. Pour lui, comme pour Paul, c’est ce pur évènement qui explique toute la suite car seul un évènement, une rupture, a des conséquences universalistes : Paul peut ainsi remettre en cause la loi juive et la sagesse grecque. Paul en étant fidèle à cet évènement devient le fondateur de l’universalisme et son militant actif.

Sans contester la vision anthropologique et conceptuelle des effets de toute vérité qui déstabilise l’ordre existant et ouvre, comme tout évènement, à un ordre nouveau, on peut cependant se poser la question de savoir pourquoi, du point de vue historique, Paul a eu ce désir d’ouvrir le christianisme, de le sortir de l’aspect judéo-chrétien. Était-ce simplement un développement qui s’imposait en étant fidèle à la vision du Christ sur le chemin de Damas ou faut-il chercher d’autres explications ? Il faut pour cela ouvrir le dossier historique et ne pas plaquer sur lui une philosophie.

Rappel des faits

Prenons acte des interprétations actuelles [4] : les écrits chrétiens les plus anciens sont les lettres de Saint Paul dont sept seulement sont considérées comme authentiques [5]. Vittorio Fusco, que nous suivons dans la suite, souligne le fait que dès les années 50 (date probable de la rédaction du premier écrit, la première lettre aux Thessaloniciens) on dispose d’un tableau de la tradition missionnaire commune et que grâce aux lettres suivantes qui correspondent à diverses crises, on peut repérer les diverses tendances du christianisme primitif.

La toute première communauté chrétienne est celle de Jérusalem, elle est constituée de juifs continuant leurs pratiques anciennes auxquelles se sont rajoutés des éléments supplémentaires, le baptême et la cène. La Loi juive continue d’être observée et la prédication sur Jésus mort et ressuscité ne s’adresse qu’aux juifs. Si l’on trouve dans les paroles attribuées à Jésus la question du salut des païens, c’est dans le sens de l’Ancien testament où l’on dit que toutes les nations viendront adorer à Jérusalem, comme on peut le voir dans cette parole de Jésus : « il en viendra du levant et du couchant, du nord et du midi, pour prendre place au festin dans le Royaume de Dieu » (Lc 13, 29 ; Mt 8, 11). S’il y avait eu dans les paroles de Jésus une indication directe à aller porter l’Évangile aux païens, on comprendrait mal la suite des évènements et les difficultés de Saint Paul pour faire admettre une telle pratique.

Si l’on se base sur les témoignages les plus anciens et donc sur les lettres de Paul plutôt que sur le récit postérieur de Luc des Actes des apôtres daté d’après 70 (puisqu’on y fait référence à la destruction de Jérusalem du fait de la Guerre juive), on voit que la première communauté chrétienne non-juive a trouvé le jour à Antioche de Syrie et que Barnabas y avait une autorité égale à celle de Paul. Antioche était considérée comme la troisième ville de l’Empire romain, après Rome et Alexandrie et la population juive y était très importante : la communauté chrétienne faite de juifs à l’origine, s’était agrégée, comme les communautés juives le faisait souvent, un certain nombre de païens d’origine, qui avaient une certaine sympathie pour le judaïsme et chez lesquels la prédication chrétienne avait été entendue. Ces sympathisants du judaïsme, qui hésitaient à franchir le pas qui les faisaient devenir pleinement juifs, la circoncision, portaient le nom de craignant-Dieu et respectaient un certain nombre de règles de la Loi juive, en particulier celles concernant les interdits alimentaires. Si cela n’avait pas été le cas, il aurait été difficile d’envisager une communauté mixte, faite de judéo-chrétiens qui respectaient ces interdits et de sympathisants, du fait de la communauté de table rendue impérative parce que la Cène chrétienne se passait à l’époque dans le cadre d’un repas ordinaire pris en commun. Ne pas partager la même table pour des raisons d’interdits alimentaires aurait correspondu à une excommunication au sens strict.

La cohabitation entre chrétiens d’origine juive et païenne a été difficile à tenir alors qu’elle ne posait pas de problème entre juifs pratiquants et craignant-Dieu dans le cadre du judaïsme. Dans le judaïsme, les sympathisants participaient à la foi et à l’espérance du Messie : pourquoi une telle attitude de sympathisants de seconde zone devenait-elle impossible dans le christianisme ? Cela vient du fait que dans le christianisme, il est impossible de trouver une place à des chrétiens de seconde zone : ou ils sont sauvés par leur appartenance au christianisme fondée sur le baptême ou ils ne le sont pas ; ou ils appartiennent vraiment à la communauté fondée par la Cène, ou ils ne lui appartiennent pas. De ce fait, la cohabitation étroite qui exige similitude, réduction des différences trop visibles, peut se diriger dans deux directions : soit faire de tous les chrétiens des juifs authentiques (comme le furent les initiateurs du christianisme) par le biais de la circoncision, signe de l’Alliance avec Dieu toujours vivante ;  soit abandonner la référence juive et ses exigences car le salut vient simplement du Christ.

De la rencontre de Jérusalem (vers 48 ou 49) entre représentants de l’Église de Jérusalem et responsables de chrétiens issus du paganisme, le récit le plus ancien nous est donné par Paul dans l’épitre aux Galates (datée de 56).

« Ensuite, au bout de quatorze ans, je suis monté de nouveau à Jérusalem avec Barnabas ; j’emmenai aussi Tite avec moi. Or, j’y montai à la suite d’une révélation et je leur exposai l’évangile que je prêche parmi les païens ; je l’exposai aussi dans un entretien particulier aux personnes les plus considérées, de peur de courir ou d’avoir couru en vain. Mais on ne contraignit même pas Tite, mon compagnon, un Grec, à la circoncision ; ç’aurait été à cause des faux frères, intrus qui, s’étant insinués, épiaient notre liberté, celle qui nous vient de Jésus Christ, afin de nous réduire en servitude. A ces gens-là nous ne nous sommes pas soumis, même pour une concession momentanée, afin que la vérité de l’évangile fût maintenue pour vous. Mais, en ce qui concerne les personnalités – ce qu’ils étaient alors, peu m’importe : Dieu ne regarde pas à la situation des hommes – ces personnages ne m’ont rien imposé de plus. Au contraire, ils virent que l’évangélisation des incirconcis m’avait été confiée, comme à Pierre celle des circoncis, – car celui qui avait agi en Pierre pour l’apostolat des circoncis avait aussi agi en moi en faveur des païens – et, reconnaissant la grâce qui m’a été donnée, Jacques, Céphas et Jean, considérés comme des colonnes, nous donnèrent la main, à moi et à Barnabas, en signe de communion, afin que nous allions, nous vers les païens, eux vers les circoncis. Simplement, nous aurions à nous souvenir des pauvres, ce que j’ai eu bien soin de faire » [6].

L’accord ne fait que ratifier la pratique antérieure qui avait déjà une vingtaine d’année : aucune allusion n’est faite au problème pourtant évoqué immédiatement dans la suite de l’épitre aux Galates de la commensalité alors que selon Luc, des règles précises concernant les interdits alimentaires ont été décidées à Jérusalem. On tourne la difficulté de l’absence de ces règles chez Paul en considérant qu’elles étaient déjà de fait pratiquées : les sympathisants qui vivaient avec des juifs respectaient leurs interdits alimentaires. Sur le fond, l’apport théorique de l’accord de Jérusalem a consisté à utiliser la législation juive déjà existante sur le statut de l’étranger résidant en terre juive et qu’on trouve dans le livre du Lévitique (17-18) : on leur demande « de s’abstenir des souillures de l’idolâtrie [c’est à dire des viandes venant des sacrifices païens], de l’immoralité [refus des unions illégitimes au sens de a Loi du Lévitique], de la viande étouffée et du sang [s’abstenir des viandes non saignées rituellement] » [7]. L’astuce consiste à organiser la coexistence entre les diverses communautés chrétiennes en s’appuyant sur la Loi de Moïse : on trouve ainsi de bonnes raisons à une pratique existant déjà. On retrouve la pratique commune de cohabitation entre juifs et craignant-Dieu grecs : ces derniers ont déjà l’habitude de respecter des règles qui permettent une vie commune, en particulier du point de vue des rites alimentaires.

Les développements ultérieurs de Paul

Si les recommandations données à Jérusalem renvoient aux règles de bonne cohabitation, il n’empêche que la crise n’est pas résolue dans son fond : quand on est dans la mouvance du Christ, on est partie prenante de tout le salut chrétien sans avoir besoin de passer par la loi de Moïse. Prenant acte que cette Loi du judaïsme n’est pas indispensable pour le chrétien d’origine païenne, Paul en vient, dans l’épitre aux Galates et dans celle aux Romains à réfléchir sur les conséquences de cet état de fait. La crise est réactivée par la conduite de l’apôtre Pierre lui-même qui, après l’accord de Jérusalem, continuait à normalement partager la table de chrétiens d’origine païenne mais qui pris peur lors de la visite d’envoyés de la communauté de Jérusalem. Face à des juifs, il retrouve les réflexes juifs et s’abstient de revenir à la table de païens. Paul s’oppose violemment à Pierre [8], lui reprochant de ne pas « marcher droit selon la vérité de l’Évangile » [9]. Le conflit est grave, Barnabas suit Pierre et vraisemblablement Paul quitte Antioche.

Paul évoque tous ces évènements dans la lettre aux Galates, précisément parce que ceux-ci sont en train de suivre la même route que Pierre, c’est à dire de suivre ceux qui leur disent qu’il faut revenir à la Loi juive et se faire circoncire. Pour répondre à ceux des chrétiens qui hésitent à ne plus penser la Loi juive nécessaire, Paul va approfondir la vérité de l’Évangile dans la suite de la lettre et jeter les bases théoriques de l’universalisme du salut chrétien. En effet, pour celui qui a reçu la vérité du message chrétien, une nouvelle dynamique est en place : alors que le juif reçoit la Loi comme une norme auquel il est confronté, qui souligne ses manquements, le chrétien est insufflé, poussé de l’intérieur par la puissance de salut du Christ, il est justifié, c’est à dire rendu juste. De cette première réflexion sur le thème de la justification (qui sera repris dans l’épitre aux Romains), Paul en tire déjà les conclusions : puisque la Loi est dépassée par le salut chrétien, elle ne s’impose plus et le salut est ouvert à tous : « Il n’y a plus ni Juif ni Grec ; il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus l’homme et la femme ; car tous vous n’êtes qu’un en Jésus Christ » [10]. L’universalisme de Paul est la conséquence de la pratique de communautés chrétiennes mixtes où chrétiens d’origine juive ou païenne cohabitaient.

En résumé on peut dire que les choses se sont faites par un pur développement intérieur : le message chrétien a d’abord été proposé aux juifs, à Jérusalem comme à Antioche. Comme les sympathisants juifs, les craignant-Dieu, ont rapidement été plus nombreux que les juifs d’origine à adhérer au message, la logique des repas pris en commun et la dynamique de rapprochement que cela a entrainé ont fait prendre conscience à Paul que le salut chrétien était universel et que l’ancienne opposition entre juifs et païens était caduque.

Cependant, le fait que ce soit une logique interne, bien attestée historiquement, qui ait conduit Paul à souligner l’universalisme du salut ne peut nous dispenser d’examiner les autres universalismes, celui des juifs, celui du stoïcisme, celui de la politique romaine avec lesquels il était en contact et qui peuvent l’avoir influencé.

L’universalisme juif

L’universalisme, dans les textes de l’ancien testament, est tourné vers Israël. On retrouve ce thème dans Isaïe où il est dit que toutes les nations afflueront à Jérusalem (Is 2, 2) ;  l’auteur appelé second Isaïe, au cœur d’une polémique contre les idoles, invite les nations à se tourner vers le Seigneur pour être sauvées (Is 45, 22). C’est d’ailleurs ce qu’elles sont censées faire à la fin de l’histoire (perspective eschatologique) comme le souligne bien la fin du psaume 22 : « la terre tout entière se souviendra et reviendra vers le Seigneur ; toutes les familles des nations se prosterneront devant sa face » [11]. Cet universalisme tourné vers le Temple de Jérusalem est un universalisme a visée eschatologique : à la fin des temps, le Seigneur sera reconnu par toutes les nations qui se tourneront vers son Temple. Cet universalisme n’a pas de conséquences pratiques : comme l’ont montré Edouard Will et Claude Orrieux [12], il n’induit aucun prosélytisme ; il laisse totalement en l’état la coupure entre juifs et païens. Ce n’est pas cet universalisme qui peut être à l’origine de celui de Paul.

L’universalisme stoïcien

Le stoïcisme, au premier siècle, a un représentant illustre en la personne de Sénèque qui est un contemporain de Paul : ils ont même eu des rapports indirects puisque le frère de Sénèque, Gallion fut proconsul en Grèce en 52 comme le révèle une inscription trouvée à Delphes. Les Actes des apôtres (18, 12-17) nous rapportent que Paul a comparu devant son tribunal et qu’un non-lieu fut décrété à son égard.

Comme beaucoup ont été frappé par le parallélisme entre l’enseignement stoïcien de Sénèque et ce que dit Paul, un faussaire du 4e siècle leur a même inventé une correspondance  qui consiste en de fastidieux échanges de politesse [13].

Une bonne idée de ce parallélisme peut nous être donnée en comparant l’attitude de Paul  et celle de Sénèque vis-à-vis de l’esclavage. Quand Paul dit qu’il n’y a plus ni esclave ni homme libre, cette déclaration signifie que chacun a le même rapport au salut universel apporté par le Christ et très explicitement, Paul met en parallèle l’homme libre qui est devenu esclave du Christ et l’esclave qui est devenu un affranchi du Seigneur (1 Corinthiens 7, 22). Dans le même passage, il dit à chacun de rester dans la condition où il se trouvait quand il a été appelé. Cependant, s’il conseille aux esclaves d’obéir à leurs maitres, il ajoute que les maitres doivent avoir une attitude respectueuse à l’égard des esclaves : « laissez de côté la menace : vous savez que, pour eux comme pour vous, le Maitre est dans les cieux et qu’il ne fait aucune différence entre les hommes »  (Ephésiens 6, 9). Le message chrétien pour Paul ne justifie pas une modification de la condition des esclaves et le respect à leur égard vient du fait que la condition humaine est la même pour tous les hommes.

C’est exactement la même idée que Sénèque cherche à suggérer à son correspondant dans sa 47e lettre à Lucilius : « cet être que tu appelles ton esclave est né de la même semence que toi, qu’il jouit du même ciel, qu’il respire le même air, qu’il vit et meurt comme toi » [14]. En parallèle au « laissez de côté la menace » de Paul, on trouve chez Sénèque « Présente-toi donc à tes esclaves, en dépit des dédaigneux, avec un visage souriant, une supériorité sans orgueil ; inspire-leur de la vénération plutôt que de la crainte. (…) Le respect crée l’affection ; et l’affection ne se combine pas avec la crainte » [15].

Même attitude de respect envers les esclaves, basée sur l’humaine condition partagée, même absence de conséquence sociale de cette égalité chez Paul et chez Sénèque. Sur ce point, on voit que l’air du temps stoïcien est bien commun aux deux. Cependant, en ce qui concerne l’universalisme lié aux conditions ethniques, le stoïcisme du premier siècle ne peut être dégagé de l’idéologie romaine qu’il faut examiner en détail.

« L’universel romain »

Je reprends ici le terme et l’analyse de Claudia Moatti sur La Raison à Rome où elle examine la naissance de l’esprit critique à la fin de la République [16]. En effet à cette période, il devient difficile de différencier le stoïcisme de Cicéron d’une réflexion plus générale sur l’idéologie romaine de l’universel [17].

Le mythe de fondation de Rome, apparu au 3e siècle avant Jésus-Christ l’a d’abord été sous la forme d’une sombre histoire de brigands et d’esclaves en fuite rassemblés par Romulus sur une colline romaine. Cette légende, apparue vraisemblablement sous forme de propagande anti-romaine, non seulement n’a pas été rejetée par les romains mais a été acceptée et cultivée. À la différence des grecs, les romains ne se sont jamais pensés comme un peuple né sur place, autochtone, mais comme l’extension progressive de peuples qui se sont fondus dans Rome, Albains, Sabins (d’où l’importance du rapt des sabines) puis Eques, Volsques puis, après la crise du premier siècle avant Jésus-Christ, tous les peuples latins. Ces peuples ont acquis la citoyenneté romaine qui à l’époque du Christ se rencontrait également en-dehors d’Italie (comme le manifeste la citoyenneté de Paul de la ville de Tarse située en Asie mineure).

L’extension de la citoyenneté va de pair avec l’impérialisme romain : Rome n’est pas une cité qui se taille un empire dans le monde comme ont pu le faire Athènes ou Carthage et qui a des alliés ou des vassaux, mais un empire où, progressivement, tous les peuples conquis vont acquérir droit de cité. Cette manière de faire est donc antérieure au christianisme et va se poursuivre ensuite comme le montre le magnifique texte gravé sur bronze retrouvé à Lyon (et que l’on peut voir au musée archéologique), texte appelé Tables claudiennes, donc contemporain de la naissance du christianisme puisque datant de l’empereur Claude. Ce texte dont Tacite nous donne une analyse parallèle relate un discours au sénat, prononcé en 48, dans lequel l’empereur demande que des nobles gaulois soient admis au sénat romain. L’empereur justifie sa demande en montrant que de tous temps, Rome a trouvé son équilibre politique en admettant en son sein, et d’abord à la source du pouvoir, c’est à dire au sénat, les peuples conquis.

Cette ouverture, cet universalisme dirons-nous, a été la particularité romaine, elle lui a permis de croitre depuis plus de 700 ans à l’époque ou Claude parle. Nous sommes ici au cœur de ce que l’on peut appeler la « Voie romaine » d’existence qui se caractérise fondamentalement par une ouverture universelle qui l’a conduit à l’empire universel [18]. Ce fut d’abord la domination de tout le monde méditerranéen compris au sens très large car la domination romaine a remonté au Nord jusqu’à l’Elbe et à la Bretagne de l’époque (l’actuelle Grande-Bretagne). À l’époque d’Auguste, on eut le sentiment que l’empire devait cesser de s’étendre et le travail militaire devint de défense des limites (limes).

La conséquence la plus visible de cette attitude, c’est l’indifférence romaine aux questions ethniques : alors que pour les grecs, l’opposition aux barbares est fondamentale, alors que pour les juifs, l’opposition aux nations est capitale, pour les romains c’est le droit, c’est à dire des lois, qui vont rassembler des peuples divers. Tite-live en avait conscience en rapportant le récit de la fondation de Rome et en faisant réunir le peuple en assemblée par  Romulus car « cette foule ne pouvait se fondre dans le corps d’un seul peuple que par des lois » [19]. De même Cicéron souligne « qu’un Romain d’origine italienne a deux patries, une patrie de nature, une patrie de citoyenneté » [20]. Dans l’Empire romain, tout citoyen romain appartient aussi à la cité qui l’a vu naitre et qui conserve ses usages et ses droits propres. Sénèque est d’origine espagnole mais cette origine devient non pertinente comme pour Cicéron son origine de « l’Italie profonde » de la petite ville d’Arpinum. Rome devient la patrie commune de tous les hommes tout en respectant les particularités locales : il y a là un universalisme tellement efficace politiquement qu’on peut se demander s’il n’a pas influencé ce citoyen romain qu’est Paul. Là aussi, il faut continuer l’enquête.

Les contacts avec la rhétorique antique

L’intégration de Paul dans le monde de pensée gréco-latin se fait non seulement par sa langue, le grec, mais aussi par son mode d’exposition qu’il utilise avec souplesse : la technique de la rhétorique antique [21]. Cette rhétorique se caractérise par une thèse (propositio) qui est justifiée soit par des arguments directs (probatio) qui viennent après un exposé initial qui présente les données du problème (narratio), le tout étant repris dans une conclusion (peroratio). Ceci est vrai quel que soit le genre littéraire : judiciaire et donc lié à l’action au tribunal ; délibératif pour le discours politique ; d’éloge/blâme (épidictique) qui cherche à faire partager des convictions sur la vérité d’une idée.

Pour voir comment cette rhétorique éclaire la question de la Loi et du Salut, prenons la présentation de Michel Quesnel qui propose une vision d’ensemble de l’épitre aux Romains [22]. Selon lui, loin d’être une réflexion théologique abstraite et indépendante des circonstances, l’épitre aux Romains est, comme les autres lettres de Paul, un écrit lié à des circonstances précises. En effet, les Actes (18, 1-3) font mention de l’expulsion par l’empereur Claude des juifs de Rome dont certains rencontrent Paul à Corinthe et deviennent ses collaborateurs (qui sont nommés dans Romains 16, 3 : Aquilas et Priscille). Claude étant mort en 54, les juifs chrétiens reviennent à Rome et y retrouvent les chrétiens d’origine païenne qui y étaient restés. Du fait de l’absence des juifs, ils avaient perdus les habitudes de respect des rites juifs qui étaient les leurs quand les chrétiens d’origine païenne (les pagano-chétiens) étaient apparus à la marge des judéo-chétiens. Le conflit à Rome au moment où Paul écrit est donc bien celui de savoir quelle place les chrétiens doivent-ils donner à l’observance controversée de la Loi juive. L’analyse de Quesnel se sert de la recherche des thèses principales et de la manière dont elles sont prouvées par une série d’arguments à la manière de la rhétorique antique : il peut ainsi isoler quatre thèses principales qui s’enchainent de façon à justifier l’exhortation finale des chap. 12-15 qui tire les conclusions pratiques : les chrétiens d’origine païenne ont à respecter la loi nouvelle d’amour et de respect mais n’ont plus à respecter la loi juive, en particulier dans ses interdits alimentaires, cependant l’amour fraternel fera que l’on prendra soin de ne choquer personne en se libérant de ces interdits.

Cette analyse, basée sur la rhétorique gréco-romaine a le mérite de donner une cohérence interprétative à un texte qui sans elle a longtemps été un lieu d’escarmouches théologiques entres confessions chrétiennes mais qui n’avait guère de cohérence générale. Cet exemple montre bien que Paul est quelqu’un de profondément inséré dans les manières de réfléchir de la civilisation gréco-romaine. Cette intégration rend cohérente l’influence de l’universalisme de l’époque sur Paul, mais nous devons examiner aussi les rapports spécifiques de Paul avec Rome.

Paul et Rome

Depuis longtemps, l’évangéliste Luc, également auteur des Actes des apôtres a passé pour un auteur favorable aux romains : c’est un centurion romain qui le premier s’exprime après la mort du Christ chez Luc et il dit du Christ que « surement, cet homme était juste »  (Luc 23, 47), ce qui est reconnaitre son innocence. Corneille, un centurion de Césarée est l’occasion du premier baptême d’un païen dans les actes (chap. 10). Luc souligne l’efficacité et l’équilibre de la justice romaine comme lors de la comparution de Paul devant le proconsul Gallion (chap. 18), comment c’est grâce aux romains qu’il échappe à un complot à Jérusalem (chap. 23), comment lors de sa comparution devant le gouverneur, il peut efficacement en appeler au jugement de l’empereur (chap. 25). C’est dans Luc également que la citoyenneté romaine de Paul est attestée.

Cette sympathie de Luc pour Rome et son équité est connue de longue date mais ce qui est plus récent, c’est la prise de conscience de l’influence de l’universalisme romain. La question a été posée, à propos de Luc par François Bovon qui conclut que son « universalisme théologique est vraisemblablement conditionné dans sa structure par l’esprit du temps, en particulier l’universalisme grec et romain » [23]. En ce qui concerne Paul, on peut repérer dans la vie apostolique de Paul en utilisant les données des Actes et des lettres, un romano-centrisme indiscutable. Paul est citoyen romain et sait utiliser ce titre devant les autorités romaines. Il connait les techniques écrites (les lettres) et orales de la rhétorique gréco-romaine : il utilise pour sa défense devant l’autorité la captatio benevolentiae (mais ce peut être le fait de Luc qui la fait pratiquer par Paul et par ses adversaires, cf Ac 24 où Paul et son accusateur en rivalisent devant le gouverneur Félix).

Ce qui est central pour rendre compte de l’influence romaine sur Paul, c’est son désir bien attesté de se rendre à Rome : « j’ai un très vif désir de vous voir (…) j’ai souvent projeté de me rendre chez vous » dit-il aux Romains (1, 11-13). Certes, Rome à ses yeux n’est qu’une étape puisqu’il veut également aller en Espagne, mais il s’agit là de montrer son désir de toucher tout le monde connu, tout l’Empire dont le centre est Rome. Pierre et Paul sont morts à Rome nous dit la tradition et si Luc termine ses Actes sur la vision de Paul se livrant sans entraves à son apostolat envers les païens dans la capitale de l’Empire, c’est bien parce que la présence à Rome de Paul était perçue comme l’achèvement de son œuvre missionnaire, au cœur de la Ville et du Monde.

Paul et le vocabulaire du droit

Résumons-nous : quelles qu’en soient les causes, avec Paul, nous avons un homme qui fait le passage radical de Jérusalem à Rome, qui abandonne la Loi du Peuple dans lequel il est né pour ouvrir le salut à tous les hommes du monde connu et qui le fait en employant des raisons juridiques, à la manière des Romains dont il dit lui-même en s’adressant à eux qu’ils sont des experts des questions de droit (« je parle à des gens compétents en matière de loi » Ro 7, 1) et ce dans une civilisation romaine qui a inventé le concept de citoyenneté fondée sur le droit que Paul utilisera pour son propre compte en utilisant la protection juridique que lui donne son statut de citoyen romain. Si Rome a inventé le droit, Paul est romain par l’utilisation intensive qu’il fait des concepts juridiques.

En premier lieu il utilise ces concepts juridiques pour se faire comprendre : pour illustrer le fait que la loi juive est caduque, il reprend l’exemple juridique d’une loi humaine qui le devient, (l’obligation de fidélité du mariage Ro 7, 2-3) ; pour rendre compte du passage du péché à la sainteté, il emploie la catégorie de l’esclavage et de l’obéissance qui lui est liée (Ro 6, 16-22).

Plus profondément Paul emploie un langage juridique qui lui est spécifique pour rendre compte du cœur de la foi chrétienne, et c’est ce qui explique pourquoi sa manière de penser nous semble aujourd’hui si peu parlante : le salut chrétien est compris sous la forme d’une justification, c’est à dire en terme de déclaration juridique d’innocence dans un tribunal. Si l’homme est réputé innocent, ce n’est pas qu’il fût sans péché, et il serait blasphématoire d’assimiler Dieu à un mauvais juge qui déclare innocent le coupable [24]. La justification au sens paulinien du terme vient du fait que c’est Dieu qui était offensé par le péché, et que lui est autorisé à « faire grâce » de l’offense, à s’abstenir comme nous dirions aujourd’hui de « porter plainte » alors qu’il serait en droit de le faire. Il renonce à son droit et tient pour rien l’offense, ce qui explique ce mot de « grâce » de Dieu, recouvert par une couche historique d’interprétation de Saint Augustin à Pascal qui fait que l’aspect juridique du terme nous échappe.

Que penser de la thèse de Badiou

Pour Badiou, le propre de la philosophie n’est pas de produire des vérités universelles mais « d’organiser leur accueil » en travaillant sur le sens que peut avoir une « vérité » [25] et son livre n’est qu’une illustration de la vérité révélée à Paul sur le chemin de Damas et qui l’a conduit à remettre en cause les croyances juives et la sagesse grecque et à fonder l’universalisme. Ce n’est pas un travail d’historien mais de philosophe qui tient pour « fable » le contenu de la croyance chrétienne mais qui lui donne le même rôle que les croyants eux-mêmes. Par exemple  dans son commentaire de l’incident d’Antioche (où Pierre se soustrait à la table commune d’avec les pagano-chrétiens), Badiou note que pour Paul « ce que cet incident lui montre, c’est que la Loi, dans son impératif ancien, n’est plus tenable, même pour ceux qui s’en réclament. Cela va alimenter une thèse essentielle de Paul, qui et que la Loi est devenue une figure de la mort. (…) Pour Paul, il n’est plus possible de tenir la balance égale entre la Loi, qui est pour la vérité surgissante principe de mort, et la déclaration évènementielle, qui est son principe de vie » (p. 27-28). Laissant de côté la cause précise (la commensalité), Badiou ne voit que l’émergence de la déclaration évènementielle reçue directement du Christ. La cause historique est laissée de côté pour ne voir que la cause transcendante (bien que fable).

Le travail des historiens montre plutôt que c’est un processus inverse qui rend compte du discours de Paul : l’universalisme de Paul n’est pas le fruit d’une illumination mais le résultat d’une découverte progressive. Il s’agit d’une élaboration conceptuelle (où l’universalisme du droit romain joue son rôle), de la contradiction de l’Église naissante où cohabitaient des communautés de deux sortes : judéo-chrétiens  et non-juifs mais assimilés (craignant-Dieu) d’une part, et pagano-chrétiens  d’autre part. La communauté de repas pris en commun dans les deux cas fait que les participants sont semblables et que la distinction juifs / non-juifs devient caduque et avec elle toutes les autres distinctions basées sur le statut : « Il n’y a plus ni Juif ni Grec, ni esclave ni homme libre, ni homme ni femme, car tous vous êtes un en Jésus Christ. » [26].

Quant à l’efficacité du discours de Paul, elle est toute relative : en matière d’égalité de statut dans la société, le christianisme a suivi les évolutions mais ne les a pas provoquées. Comme le souligne Aldo Schiavone, l’esclavage antique a été vécu comme une loi naturelle à laquelle on était soumis d’une manière qui s’imposait à tous y compris à Paul et à Augustin comme à des évêques des quatrième et cinquième siècle [27]. En ce qui concerne l’égalité homme / femme, l’Église reste plutôt fidèle à l’enseignement pratique de Paul, qui ne faisait là aussi que refléter la façon de voir de l’époque.

Pour ce qui est de l’égalité entre homme et femmes, on peut remarquer que le message eschatologique qui est celui de Galates 3, 28 où l’égalité homme/femme est affirmé, a pu être pris au pied de la lettre comme par exemple à Corinthe où des femmes prophétisent (1 Co. 11, 5). Paul en tient compte probablement et ne réitère pas le même message eschatologique concernant l’égalité entre hommes et femmes dans le texte de cette épitre (1 Co  12, 13, qui est un parallèle de Galates 3, 28) : « Car nous avons tous été baptisés dans un seul Esprit en un seul corps, Juifs ou Grecs, esclaves ou hommes libres ». [28]

On peut enfin penser que la position de Badiou est plutôt dangereuse en ce sens que, disciple de Platon, il croit que l’émancipation vient de celui qui a une claire vision des choses, c’est à dire du philosophe. Celui-ci doit accueillir l’universel comme à un chemin de Damas, pour ensuite, non plus l’imposer par le biais d’une avant-garde révolutionnaire comme naguère, mais au moins le rendre crédible. Mais cette position a pour conqéquence le refus du débat démocratique ce qui fait d’ailleurs qu’il est très opposé au suffrage universel comme il l’annonce dans De quoi Sarkozy est-il le nom ? [29]. Il faut suivre Paul quand il précise les modalités d’un salut universel, il ne faut pas cautionner Badiou quand, comme philosophe, il entend faire accepter une vérité parce qu’universelle, au nom d’une science platonicienne [30].


J’ai déjà présenté le présent billet le 8 mars 2013 dans mon carnet de recherche sur La question du latin mais il a été revu et complété.

[1] L’Antéchrist, 43.

[2] Alain Badiou, Saint Paul. La fondation de l’universalisme, Presses universitaires de France, 1997.

[3] L’incident d’Antioche, 1984, extraits dans Alain Badiou, L’hypothèse communiste, Lignes, 2009, p. 20-28.

[4] Par ordre de nombre de pages croissant, et donc de technicité, on pourra consulter :
– Daniel Marguerat, Paul de Tarse, Poliez-le-Grand, Editions du Moulin, 1999,
– Michel Quesnel, Paul et les commencements du christianisme, Desclée de Brouwer, 2001,
– Vittorio Fusco, Les premières communautés chrétiennes, Cerf, 2001, coll. Lection Divina 188,
– Jürgen Becker, Paul. L’apôtre des nations, Cerf, 1995.

[5] Première lettre aux Thessaloniciens, lettres aux Galates, aux Philippiens, à Philémon, première et deuxième lettre aux Corinthiens, lettre aux Romains. Les autres lettres ont été écrites au nom de Paul pour pouvoir jouir de son autorité. Pour plus de détails cf. Hans Conzelmann et Andreas Lindemann, Guide pour l’étude du Nouveau Testament, Genève, Labor et Fides, 1999.

[6] Ga 2, 1-10, traduction TOB.

[7] Ac 15, 20.

[8] Conflit étudié par René Kieffer, Foi et justification à Antioche. Interprétation d’un conflit, Cerf, 1982, coll. Lectio Divina 111.

[9] Ga 2, 14.

[10] Ga 3, 28.

[11] Ps 22, 28.

[12] Edouard Will et Claude Orrieux, “Prosélytisme juif” ? Histoire d’une erreur, Les belles lettres, 1992.

[13] René Kapler, introduction à la correspondance de Paul et de Sénèque dans Ecrits apocryphes chrétiens, édités sous la direction de François Bovon et Pierre Geoltrain, Gallimard, 1997, bibliothèque de la Pléiade.

[14] Sénèque, Entretiens, Lettres à Lucilius, édition établie par Paul Veyne, Robert Laffont, 1993, coll. Bouquins, p.706.

[15] Lettre 47, 17-18.

[16] Claudia Moatti, La Raison à Rome, Seuil, 1997, chap. 6 “La construction de l’universel romain”.

[18] autant que par l’usage des emprunts comme le met en avant Rémi Brague dans son ouvrage Europe, la voie romaine, Criterion, 1993. Selon lui, les romains n’ont rien inventé sauf le droit. Mais c’est par le droit que s’est faite l’expansion universelle de la citoyenneté.

[19] I, 8.

[20] Des Lois, Livre 2, 5.

[21] Jean-Noël Aletti, Comment Dieu est-il juste ?, Seuil, 1991.

[22] Michel Quesnel, Les chrétiens et la loi juive, Cerf, 1998.

[23] Israël, l’Église et les nations dans l’œuvre double de Luc, dans François Bovon, L’œuvre de Luc, Cerf, 1987, p. 251

[24] Voir le commentaire de Romain 3,  22-34 : « tous ont péché, sont privés de la gloire de Dieu, mais sont gratuitement justifiés par sa grâce, en vertu de la délivrance accomplie en Jésus Christ » (Traduction TOB)  dans Simon Légasse, L’épitre de Paul aux Romains, Cerf, 2002, coll. Lectio divina, p. 259-260.

[25] Badiou, Saint Paul, p. 116.

[27] Aldo Schiavone, L’histoire brisée. La Rome antique et l’Occident moderne, Belin, 2003, p.137 et note 21.

[28] Cf. Peter Garnsey, Conceptions de l’esclavage. D’Aristote à Saint Augustin, Les Belles Lettres, 2004, p. 251-252.

[29] Alain Badiou, De quoi Sarkozy est-il le nom ?, Lignes, 2007, p. 42 :
« Je dois vous dire que je ne respecte absolument pas le suffrage universel en soi, cela dépend de ce qu’il fait. Le suffrage universel serait la seule chose qu’on aurait à respecter indépendamment de ce qu’il produit ? Et pourquoi donc ? Dans aucun autre domaine de l’action et du jugement sur les actions on ne considère qu’une chose est valide indépendamment de ses effets réels. Le suffrage universel a produit une quantité d’abominations. Dans l’histoire, des majorités qualifiées ont légitimé Hitler ou Pétain, la guerre d’Algérie, l’invasion de l’Irak.. Il n’y a donc aucune innocence dans les majorités « démocratiques ». Encenser le nombre parce que les gens sont allés voter, indépendamment de ce que ça a donné, et respecter la décision majoritaire dans une indifférence affichée à son contenu est une chose qui participe de la dépression générale. Parce qu’en plus, si on ne peut même pas exprimer son dégout du résultat, si on est obligé de le respecter, vous vous rendez compte ! Non seulement il faudrait constater la récurrente stupidité du nombre, mais il faudrait avoir pour elle le plus grand respect. C’est trop ! ».

[30] Ce qui est très clair dans son livre : Alain Badiou, La République de Platon, Fayard, 2012.